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Il fait chaud, très chaud dehors. En cet été 2025, dans les rues de Montréal, sur les hauteurs du quartier des spectacles, la climatisation est à marche forcée, dans les couloirs du département de géophysique de l’Université du Québec à Montréal. En 2025, comme en 2024, en 2023, en 2022, la complainte de la chaleur écrasante se siffle de cafétérias en laboratoires, de cour intérieures en bouches de métro. Chaque été bat des records de chaleur. Chaque été enterre la première de l’été précédent. Les deltas de températures de ces été là sont d’autant plus extrêmes qu’ils répondent, ici, dans la grande vallée du St Laurent, à l’hiver. Des deltas de températures qui sont aussi des approfondissements d’états et de seuils aquatiques. Chaud dedans, froid dehors en hiver. Froid dedans, chaud dehors en été. On s’en remet à la sainte trinité des climatiseurs, ce que ma collègue Yuriko Furuhata appelle nos êtres climatiques (climatic beings[1]) - Si, comme l’écrivait Daniel Barber, air conditioning is people conditioning, je me demande ce que cela veut dire pour ces micro-organismes, devenus échantillons d’eau, devenus codes ADN et données biochimiques, bio informatiques, organismes qui nous occupent depuis des pages et qui passaient, jusqu’ici, leur été à plusieurs dizaines de mètres de profondeur. Loin de la chaleur donc. Et qui sont, en cette année 2025, soigneusement gardé, dans du glycol, dans de petites fioles en plastiques, dans des frigos spécialisés, en dormance, dans un état de détérioration cellulaire si ralenti qu’on le confond avec un temps (humain) arrêté… Si le conditionnement de l’air est aussi le conditionnement des gens, il est aussi, dans ce cas-ci assurément au moins, macro conditionnement des micro vivants. Qu’apprendre de cette micro-politique? Quelles articulations poser, vivre et subir, entre contrôle des milieux (conditions de la vie ) et milieux contrôlés (conditions de vie)? Dans son livre, Cooling the Tropics, Hi’ilei Julia Kawehipuaakahaopulani Hobart montre bien l’histoire complexe de toute entreprise de rafraîchissement. Quelque part entre les frissons et le fascisme.

Par - 80 degrés Celsius, dans du glycol et sans oxygène, ces micro-organismes récoltés à des profondeurs différentes, dans cette mine désaffectée de Forsyth et qui, dans les laboratoires de l’UQAM se font cultures, mais aussi cobayes exposés à des métaux lourds, des stress physico-chimiques importants, ces vivants colonisés/colonisants fascinent et nourrissent ici tout une chaîne de soins, de gestes, de protocoles, d’espoirs et de promesses. En même temps qu’on les nourrit, de tout un tas de choses, plus ou moins nourrissantes, plus ou moins létales. Pour voir ce qu’elles ont dans le ventre, comme nombre de cobayes aujourd’hui encore. Pour éventuellement les revendre, à des entreprises minières…, faire de la « bioremédiation », et ainsi satisfaire les désormais obligations de « nettoyage » d’un site extractif après exploitation. Dans une drôle d’élévation au carré, l’extraction minière se double aujourd’hui des services (de bioremédiation, donc) des micro-organismes qu’elle aura fait naître, dans ces trous béants que l’eau seule aura, in fine, permis de soigner…


[1] Furuhata, Y. (2022). Climatic Media : Transpacific Experiments in Atmospheric Control. Durham: Duke University Press.

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